La parenthèse
La parenthèse d’Élodie Durand est un magnifique roman graphique noir et blanc, une histoire vraie à la couverture sobre.
Le trait est tremblé, presque torturé. Il accompagne la gravité du sujet.
Les 1ères pages sont floues. Comme la mémoire de Judith qui a traversé une période trouble de 4 ans.
Tout commence par des malaises inexpliqués, puis le diagnostic tombe : épilepsie, causée par une tumeur cérébrale. Errance médicale, médicaments puissants, arrêt du travail. Personne ne prend vraiment le temps de lui expliquer. Elle se sent seule, assommée, niée.
Elle s’éloigne de tout. En veut aux médecins, aux pharmaciens … Elle évoque la honte d’être malade, de faire partie des « nombreux épileptiques » dont personne ne parle. L’invisibilité de son mal être. Elle subit ensuite une gamma-neurochirurgie, et un œdème cérébral en guise de complication. Elle dort des jours entiers.
À travers les échanges avec ses parents, le récit gagne en relief. Eux, ils se souviennent. Ils ont été là, constamment, mais elle, elle ne les voyait plus. Toute la famille était malade. Et c’est sans doute là l’un des messages les plus forts de l’ouvrage : une maladie chronique n’atteint jamais qu’une seule personne. Les aidants souffrent aussi, souvent en silence.
À l’officine, nous avons parfois du mal à voir ces douleurs-là. Les patients silencieux, les visages fatigués, les sourires absents. Et pourtant, Judith le dit si bien : un jour, elle a « réussi à sourire dans une pharmacie », des années après. En effet il faut laisser le temps. Ne pas juger. Être là, à portée. Accepter que certaines douleurs demandent parfois du temps.
Et puis un jour, l’annonce tombe : elle n’est plus épileptique. Son tracé cérébral est normal. Elle peut envisager d’avoir des enfants, boire un verre, vivre sans médicament. Ce toast avec des amis qui ne savent rien d’elle symbolise à la fois la fin d’un cauchemar et le début d’un autre : celui de devoir raconter. Ce livre est né de ce besoin. Pour elle. Pour ses parents. Pour ceux qui étaient là, et ceux qui n’ont pas su.
Aujourd’hui, elle vit, travaille, danse, avec quelques oublis, une audition altérée… mais elle vit. Elle a refermé la parenthèse.